21 mai 2006

Désordre




Et puis autre chose encore:
Ecoute moi, finalement ce n'est pas vers celui qui aime que l'on doit porter ses regards; ce n'est pas lui qu'il convient de plaindre. Sa douleur le fait vivre.
J’ai vécu, je vis à chaque instant de ma douleur. C'est au moins quelque chose qui m'appartient. Quelque chose que tu ne m'as pas donné mais que je t'ai pris, arraché de ta vie, l'emportant pour qu'elle nourrisse la mienne. Possession clandestine dont tu ne peux imaginer que j'y contemple de jours en nuits et d'heures en heures, le reflet de toi-même. Mon reflet de toi-même. Le mien, celui que je ne partagerai jamais avec quiconque. Celui dont tu ne sauras rien. Comment pourrais-tu le comprendre? Je t'ai démuni de mon chagrin.

Un jour, bien sûr, cette passion que je t'imposais, je viendrai te la reprendre.
J’aimerai quelqu'un d'autre. Plusieurs autres peut-être. La vie est parfois si longue.
Identique à toi-même, je te verrai tout autre. Alors que tu m'aimais sans doute aussi à ta manière, je ne te verrai plus nulle part. Et tandis que je m'éloignerai, sans l'espoir d'un retour, je te volerai une seconde fois encore. Je t'enlèverai jusqu'à l'idée que tu gardais de moi.
Et si par hasard on se rencontre un jour, plus tard, j'aurai avec moi toutes ces images de notre jeunesse et je me refuserai à te les rendre, à toi qui auras tant vieilli et qui s'interrogera encore.
Regarde-moi: je te rends à l'innocence. Apprends son autre nom: la solitude.
F.M.

15 mai 2006

Saccage




Hier, n’y tenant plus, après une sale journée ponctuée de bons moments vécus comme un zombie, comme un spectateur des joies d’un autre. Dîners entre amis, l’Orfeo de Monteverdi, des moments simples d’un week end heureux ; mais, moi, je ne pensais qu’à notre rupture.
Samedi, un petit SMS pour te rappeler de regarder Glenn Gould sur Arte, message sans réponse. Hier, j’ai laissé sonner ton téléphone, je t’ai laissé un mot plaintif sur ton répondeur. Tu n’as pas décroché pourtant, je le sais tu étais chez toi,
Me voilà dans le club pas si fermé que cela de ceux pour qui tu te mets aux abonnés absents.
Un mail vengeur sur messenger et ta réponse simple « t’es chiant mais on s’aime ».
Je me rappelle Marguerite Yourcenar dans « Feux »
-Dieu à crée l’amour pour punir les hommes de ne pas savoir vivre seuls ».

13 mai 2006

trois mots



Trois mots ont suffit, trop souvent répétés pour ne pas être sincères. Trois mots ont suffit qui m’ont profondément blessé. C’est le ventre serré, la tête pleine de ressentiment que je t’écris.
Tu as fermé la seule porte que tu avais bien voulu ouvrir pour moi, celle par laquelle j’avais quand même l’impression d’être utile, d’être un ami. Souvent longtemps, j’ai pansé tes plaies, écouté longuement tes interrogations, tes atermoiements, tes doutes. Entendu aussi, les ravages de ta difficulté de donner, de te donner, sur les autres, toutes ces femmes souffrant de toi. J’aurais pu maintes fois te rejeter, te désavouer. Te demander, souvent, de ne pas parler d’elles sur ce ton, de ne pas les décrire, décrire quelques fois leurs souffrance avec un tel détachement, une telle cruauté. Un matin, chez moi, après une longue nuit de discussion, tu t’en souviens ? Ton attitude m’a tellement fait souffrir que je t’en ai voulu; je suis resté l’ami; néanmoins.
J’aurais pu donc, me dire que celui que j’avais devant moi, celui dont je voulais être l’ami, n’était qu’un monstre d’égoïsme. J’aurais pu m’associer à beaucoup de ces histoires douloureuses, car, finalement, je ne vivais pas autre chose, qu’une amitié voulue, entretenue, animée par moi, sans jamais vraiment beaucoup de retours. Mais je t’écoutais, essayant durant ces longues soirées de te donner ce dont tu avais besoin : une écoute à défaut de conseils, la possibilité de parler, d’exprimer tes doutes à quelqu’un de suffisamment aimant pour ne pas juger, quelqu’un qui malgré tout serait toujours derrière toi, te soutiendrait.
Voilà ce que j’étais, en plus de tout le reste, car ne l’oublions pas trop vite, ayant été quand même un des rares, depuis toujours à croire en toi ; pour t’aider à avancer, te soutenir dans chacun de tes moments de faiblesses et Dieu sait s’il y en eut.

Les amis, les vrais se doivent d’être toujours présents, de dire la vérité toujours et quelle qu’elle soit ; c’est pour cela qu’ils nous sont indispensable pour avancer.
Je n’ai pas voulu autre chose.
Maintenant et sans vouloir paraphraser Frederic Mitterand. Il nous faut savoir, à chaque circonstance de la vie ce que l’on perd et ce que l’on gagne. Tu ne le sais sans doute pas ou pas encore ; tu ne t’en soucie d’ailleurs sans doute pas non plus, mais tu perds ainsi le meilleur ami que tu n’auras jamais, pardon pour cette mise en avant personnelle, mais je peux le dire sans craindre d’être démenti car je me mesure non seulement à mes actions passées mais à ce que je me sentais prêt à faire pour toi ; toi, celui que je considère, que j’aime, comme un frère, le frère que je n’ai pas eu.
Et, moi ? Moi, je perds mes illusions, mes chimères. L’illusion d’être ton ami, la chimère d’avoir cru avoir un frère. Maintenant, oui, il me reste une grande douleur, un grand vide. Mais j’apprendrais à oublier, j’aurais d’autres amis, car ainsi je suis fait ;
Toi ? toi tu resteras, même si j’espère de tout cœur pour toi le contraire, tu resteras avec ta difficulté d’aimer. C’est finalement très court.