24 février 2008

uneodeurdegingembre-Oswald Wynd

"Je me suis demandé pourquoi j'allais en Chine épouser Richard, et je n'ai trouvé aucune réponse, rien qu'une impression désespérante de vide absolue".
Elle l'épousera et sera vite passionnée par la vie à Pékin. Sa curiosité d'esprit sera rapidement désapprouvée par la communauté européenne. La naissance d'un enfant dont le père est un officier japonais la mettra définitivement au ban de la société. Elle s'enfuira au Japon, y travaillera et grâce à son obstination, son intelligence, son sens de l'humour, réussira à s'y faire une place.

Écrit dans un style alerte, le récit de la vie de Mary dans un Orient compliqué, souvent étrange, toujours étranger, se lit avec délectation. Étonnement aussi de lire un récit, un journal d'une jeune fille puis d'une femme écrit si justement par un homme
Né en 1913 de parents écossais à Tokyo, où il passera ses vingt premières années, mort à Edimbourg en 1998, Oswald Wynd, devenu un des maîtres du polar contemporain sous divers pseudonyme, ne signa de son nom que cet unique roman, qui s'est imposé, dès sa publication en 1977, comme un livre culte.
A découvrir absolument.
intotheWild
Diplômé de l'université d'Emory (Géorgie) en 1990, McCandless a brusquement déserté la bonne société sudiste (son père était ingénieur à la NASA) dans laquelle il avait été élevé. Après avoir fait don des 24 000 dollars de son trust fund à l'ONG Oxfam, il a disparu, laissant sa famille sans nouvelle. Le fugitif a pris le pseudonyme d'Alexander Supertramp et sillonné l'ouest des Etats-Unis avant de partir vers l'Alaska. Ce lecteur de Tolstoï et de Thoreau voulait passer l'épreuve de la vie solitaire dans la nature. Le 28 avril 1992, un automobiliste le déposait à l'entrée d'une piste entre Fairbanks et Anchorage.
Il est des films qui dès le départ ont pour vocation de frapper l’esprit. ‘Into the Wild’ ne manque pas sa cible. Il imprime même durablement la magnificence de ses paysages et ses valeurs authentiques au creux de la mémoire, et dans les recoins du coeur. Difficile d’échapper à l’émotion, elle est dans chaque séquence, dans chaque rencontre - surtout celle de soi-même -, qui ponctuent le nouveau film de Sean Penn. Mais il ne faut pas confondre émotion et sensiblerie. Si certaines étapes du parcours intérieur de Christopher McCandless peuvent paraître caricaturales, elles ne sont finalement que le reflet d’un idéalisme naïf, mais indéniablement authentique et sincère. Emile Hirsh interprète avec tout ce qu’il faut de courage et d’exaltation ce personnage sensible et habité, que sa quête d’absolu mènera à travers tous les Etats-Unis vers les paysages préservés d’Alaska. Au hasard de rencontres, d’amitiés fortes mais forcément passagères, son parcours est une invitation au voyage, à la découverte d’un pays.
Enfin et au delà de la poésie de cette quête, on peut douter de la santé psychique du jeune Chris. tout ce temps, toute cette odyssée solitaire pour arriver que le bonheur n'existe que partagé.....

20 février 2008


juste une petite goutte d'eau

depuis 1999, Daniel Barenboim anime et dirige le west east divan orchestra. Un orchestre composé de jeunes israeliens, palestiniens, syriens, libanais, espagnols. Cela n'apportera pas la paix, certes non. Mais si ces quelques jeunes ont réussi à trouver un langage commun qui les rassemble: la musique, si à chaque représentation, le temps du concert, le temps de l'écoute, rassemble et apaise les rancoeurs de ceux qui viennent écouter et partager: alors c'est déjà quelque chose. ce soir sur Mezzo, j'ai écouté le concert de Ramallah. deux heures de paix et de concorde. deux heures qui démontrent que le proche orient existe et qu'il est possible encore et toujours de rassembler et construire au coeur même des trois religions monotheïstes. Comme en Al Andalus, comme à cordoue et à Séville, ville choisie symboliquement comme base de travail. Merci Daniel Barenboïm.


son discours à réception du wolf prize (prix prestigieux israelien)
Daniel Barenboim’s May 9, 2004 Statement at the Knesset on Receiving the 2004 Wolf Prize

I would like to express my deep gratitude to the Wolf Foundation for the great honor that is being bestowed upon me today. This recognition is for me not only an honor, but also a source of inspiration for additional creative activity.
It was in 1952, four years after the Declaration of Israel’s Independence, that I, as a 10-year-old boy, came to Israel with my parents from Argentina.
The Declaration of Independence was a source of inspiration to believe in ideals that transformed us from Jews to Israelis. This remarkable document expressed the commitment (I quote): “The state of Israel will devote itself to the development of this country for the benefit of all its people; It will be founded on the principles of freedom, justice and peace, guided by the visions of the prophets of Israel; It will grant full equal, social and political rights to all its citizens regardless of differences of religious faith, race or sex; It will ensure freedom of religion, conscience, language, education and culture” (end of quote).
The founding fathers of the State of Israel who signed the Declaration also committed themselves and us (and I quote): “To pursue peace and good relations with all neighboring states and people” (end of quote).
I am asking today with deep sorrow: Can we, despite all our achievements, ignore the intolerable gap between what the Declaration of Independence promised and what was fulfilled, the gap between the idea and the realities of Israel?
Does the condition of occupation and domination over another people fit the Declaration of Independence? Is there any sense in the independence of one at the expense of the fundamental rights of the other?
Can the Jewish people whose history is a record of continued suffering and relentless persecution, allow themselves to be indifferent to the rights and suffering of a neighboring people?
Can the State of Israel allow itself an unrealistic dream of an ideological end to the conflict instead of pursuing a pragmatic, humanitarian one based on social justice?
I believe that, despite all the objective and subjective difficulties, the future of Israel and its position in the family of enlightened nations will depend on our ability to realize the promise of the founding fathers as they canonized it in the Declaration of Independence.
I have always believed that there is no military solution to the Jewish-Arab conflict, neither from a moral nor a strategic one, and since a solution is therefore inevitable I ask myself: Why wait? It is for this very reason that I founded with my late friend Edward Said a workshop for young musicians from all the countries of the Middle East—Jews and Arabs.
Despite the fact that, as an art, music cannot compromise its principles, and politics, on the other hand, is the art of compromise, when politics transcends the limits of the present existence and ascends to the higher sphere of the possible, it can be joined there by music. Music is the art of the imaginary par excellence, an art free of all limits imposed by words, an art that touches the depth of human existence, an art of sounds that crosses all borders. As such, music can take the feelings and imagination of Israelis and Palestinians to new unimaginable spheres.
I have therefore decided to donate the monies of the prize to music education projects in Israel and in Ramallah.
Thank you.

18 février 2008

washing machine

Les mecs, quand je vous déshabille, quand je vous regarde ôter devant moi vos vêtements. Quand l’impatience me gagne à la découverte de vos corps, je ne veux plus vous voir moulés dans des sous-vêtements trop neufs. Slips ou boxers taillés juste pour vous ; épousant au millimètre vos formes parfaites ou mettant en valeurs celles qui le sont un peu moins. Assez des lycras, assez de « non-tissés ». Ne ressemblez plus à ces mecs de magazines sans un poil qui dépasse ! Je veux des slips usés d’avoir été trop souvent portés, délavés d’avoir été trop souvent lavés. Je veux des boxers un peu lâches dans lesquels vous êtes bien, simplement bien. Au large dans des poches kangourou difformes ; confortables.
Je veux des poils qui dépassent de ceintures "Calvin Klein" ou "DIM" à peine élastiques que vous rajustez maladroitement en me regardant.

Ah ! soyez vous, soyez « mec » .


Brodeck, ce héros
Article paru dans l'édition du 31.08.07
Un admirable roman de Philippe Claudel sur l'altérité




Il est des livres qui nécessitent un grand effort de la part du lecteur ; qui demandent parfois plusieurs tentatives avant de se laisser offrir à la lecture. Il en est d'autres, plus faciles sans doute, mais dont on sait dès les premières lignes qu'ils vont nous emporter et qu'on ne les quittera pas avant leur lecture achevée. Affaire d'écriture bien sûr, affaire de voix aussi, parfois. L'attaque d'un roman, comme ces cyclistes qui attaquent un grand col. Importance des premières lignes, des premiers lacets. Garder le rythme, garder le souffle, ne jamais ralentir, jusqu'à ressentir un véritable plaisir - d'escalader, de pédaler, d'écrire, de lire.

« Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien. » Ainsi commence le nouveau roman de Philippe Claudel. D'emblée on se prend d'amitié, d'affection pour ce Brodeck qu'il y a cinq minutes encore on ne connaissait pas. Il y a quatre ans, le héros d'un roman de Claudel - Les Ames grises - nous avait déjà ainsi pris par la main : « Je ne sais pas trop par où commencer. C'est bien difficile. Il y a tout ce temps parti, que les morts ne reprendront jamais, et les visages aussi, les sourires, les plaies. Mais il faut tout de même que j'essaie de dire. De dire ce qui depuis vingt ans me travaille le coeur. »
La mémoire, l'écriture. Si le héros des Ames grises ressentait le besoin de raconter son histoire - « Il faut que j'ouvre au couteau le mystère comme un ventre, et que j'y plonge à pleines mains, même si rien ne changera rien à rien » -, Brodeck, lui, n'y tenait vraiment pas. « I prefer not to », aurait-il pu dire s'il avait été anglophone. Mais les autres l'ont forcé : « Toi, tu sais écrire, m'ont-ils dit, tu as fa it des études (...). Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses. Ça suffira. Nous, on ne sait pas faire cela. On s'embrouillerait, mais toi tu diras, et alors ils te croiront. Et en plus tu as la mac hine. » Pauvre Brodeck, lui qui aurait aimé ne jamais en parler, « ligoter sa mémoire », « la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu'elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer ». Et Brodeck a donc fini par écrire. Ce qu'on lui demandait, consciencieusement, et autre chose encore. L'histoire de sa vie, lui l'Autre qui, dans un camp d'extermination, avait dû se résoudre à être le « Chien Brodeck » pour survivre.
Nous sommes dans un village, à l'est de l'Europe, dans un pays imaginaire qui pourrait être aussi bien l'Autriche, la Slovénie, la Pologne, pourquoi pas l'Alsace. Peu importe. Très vite l'on comprend que trois mois auparavant, à l'auberge Schloss, a eu lieu un meurtre collectif. La quasi-totalité des hommes du village y ont participé. Sauf Brodeck. Trop différent. Un « autre », on l'a dit, un autre dont le statut au village a quelque chose d'équivoque. La victime de ce meurtre ? Les gens du village l'appelaient dans leur dialecte « Vollaugä » - Yeux pleins - en raison de « son regard qui lui sortait un peu du visage » ; ou encore « De Murmelnër » - le Murmurant - car « il parlait très peu et toujours d'une petite voix qu'on aurait dit un souffle ». Parfois on l'appelait aussi « Mondlich » - Lunaire - « à cause de son air d'être chez nous tout en y étant pas » ; et enfin « Gekamdörhin » - « Celui qui est venu de là-bas ». Mais pour Brodeck, il était tout simplement « De Anderer » - l'Autre - parce qu'en plus d'arriver de nulle part, il avait l'impression que « lui, c'était un peu moi ».
D'une écriture simple et limpide, formidablement construit, Le Rapport de Brodeck est un magnifique livre - un roman, une fable, peu importe au fond - sur la question de l'altérité. Ni le mot « juif » ni celui de « Shoah » n'y figurent ne serait-ce qu'une seule fois, mais on comprend très vite que la catastrophe qui vient de se produire est bien celle-là ; et que ce que Claudel nous donne à voir, en romancier, c'est bien la « vie » dans les camps d'extermination.
Immense sujet, grande réussite littéraire. De la même manière qu'il notait auparavant, dans des rapports que personne ne lirait, des descriptions de la flore et de la faune locales, Brodeck écrit. Sans cesse, sans esprit de vengeance. « Je resterai toujours quelque part Chien Brodeck, un être qui préfère la poussière à la morsure, et c'est peut-être mieux comme cela », dit-il. Sauf qu'il ne résignera jamais à ne pas faire éclore la vérité, aussi terrible soit-elle. Il écrira jusqu'au bout de l'horreur et, enfin, se sentira « heureux ». Se retournant une derrière fois, il ne verra plus le village, comme s'il avait complètement disparu et, avec lui, les figures, la rivière, les êtres, les douleurs... « De grâce, dit-il à la fin, souvenez-vous. » Nous n'oublierons pas Brodeck. Assurément.

Une dernière chose pour terminer, à l'adresse des parents qui voudraient convaincre leurs grands enfants du bonheur que peut procurer la lecture d'un roman, des enseignants qui cherchent quoi faire lire à leurs élèves : conseillez-leur la lecture du Rapport de Brodeck. Eux aussi, eux surtout, ne l'oublieront pas. « Raconter est un remède sûr », écrivait Primo Levi dans Le Défi de la molécule.



15 février 2008

LE CONDAMNÉ À MORT

A la mémoire de Maurice Pilorge, assasin de vingt ans

Le vent qui roule un cœur sur le pavé des cours, Un ange qui sanglote accroché dans un arbre, La colonne d’azur qu’entortille le marbre Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours.
Un pauvre oiseau qui tombe et le goût de la cendre, Le souvenir d’un œil endormi sur le mur, Et ce poing douloureux qui menace l’azur Font au creux de
ma main ton visage descendre.
Ce visage plus dur et plus léger qu’un masque, Et plus lourd à ma main qu’aux doigts du réceleur Le joyau qu’il convoite ; il est noyé de pleurs. Il est sombre et féroce, un bouquet vert le casque.
Ton visage est sévère : il est d’un pâtre grec. Il reste frémissant aux creux de mes mains cl
oses. Ta bouche est d’une morte et tes yeux sont des roses, Et ton nez d’un archange est peut-être le bec.
Le gel étincelant de ta pudeur
méchante Qui poudrait tes cheveux de clairs astres d’acier, Qui couronnait ton front des pines du rosier Quel haut-mal l’a fondu si ton visage chante ?
Dis-moi quel malheur fou fait éclater ton œil D’un désespoir si haut que la douleur farouche, Affolée, en personn
e, orne ta ronde bouche Malgré tes pleurs glacés, d’un sourire de deuil ?

Ne chante pas ce soir les « Costauds de la Lune » ! Gamin d’or sois plutôt princesse d’une tour Rêvant mélancolique à notre pauvre amour ; Ou sois le mousse blond qui veille à la grand’hune.

Et descend vers le soir pour chanter sur le pont Parmi les matelots à genoux et nus tête L’ave maris stella. Chaque marin tient prête Sa verge qui bondit dans sa main de fripon.

Et c’est pour t’emmancher, beau mousse d’aventure Qu’ils bandent sous leur froc les matelots musclés. Mon Amour, mon Amour, voleras-tu les clés Qui m’ouvriront ce ciel où tremble la mature

D’où tu sèmes, royal, les blancs enchantements Qui neigent sur mon page, en ma prison muette : L’épouvante, les morts dans les fleurs de violette.... La mort avec ses coqs ; Ses fantômes d’amants...

Sur ses pieds de velours passe un garde qui rôde. Repose en mes yeux creux le souvenir de toi. Il se peut qu’on s’évade en passant par le toit. On dit que la Guyane est une terre chaude.
O la douceur du bagne impossible et lointain ! O le ciel de la Belle, ô la mer et les palmes, Les matins transparents, les soirs fous, les nuits calmes, O les cheveux tondus et les Peaux-de-Satin !
Rêvons ensem
ble, Amour, à quelque dur amant Grand comme l’Univers mais le corps taché d’ombres Qui nous bouclera nus dans ces auberges sombres, Entre ses cuisses d’or, sur son ventre fumant,
Un mac éblouissant taillé dans un archange Bandant sur les bouquets d’œillets et de jasmins Que porteront tremblants tes lumineuses mains Sur son augus
te flanc que ton baiser dérange.

Tristesse dans ma bouche ! Amertume gonflant Gonflant mon pauvre cœur ! Mes amours parfumées Adieu vont s’en aller ! Adieu couilles aimées ! O sur ma voix coupée adieu chibre insolent !

Gamin ne chantez pas, posez votre air d’apache ! Soyez la jeune fille au pur cou radieux, Ou si tu n’as de peur l’enfant mystérieux Mort en moi bien avant que me tranche la hache.

Enfant d’honneur si beau couronné de lilas ! Penche-toi sur mon lit, laisse ma queue qui monte Frapper ta joue dorée. Écoute il te raconte, Ton amant l’assassin sa geste en mille éclats.

Il chante qu’il avait ton corps et ton visage, Ton cœur que n’ouvriront jamais les éperons D’un cavalier massif. Avoir tes genoux ronds ! Ton cou frais, ta main douce, ô môme avoir ton âge !
Voler voler ton ciel éclaboussé de sang Et fai
re un seul chef d’œuvre avec les morts cueillies Ça et là dans les prés, les haies, morts éblouies De préparer sa mort, son ciel adolescent...
Les matins solennels, le rhum, la cigarette... Les ombres du tabac, du bagne et des marins Visitent ma cellule où me roule et m’étreint Le spectre d’un tueur à la lourde braguette.
La chanson qui traverse un monde ténébreux C’est le cri d’un marlou porté par la musique. C’est le chant d’un pendu raidi comme une trique. C’est l’appel enchanté d’un voleur amoureux.
Un dormeur de seize ans appelle de bouées Que nul marin ne lance au dormeur affolé. Un enfant reste droit contre le mur collé. Un autre dort bouclé dans ses jambes noués.

*

J’ai tué pour les yeux bleus d’un bel indifférent Qui jamais ne comprit mon amour contenue, Dans sa gondole noire une amante inconnue, Belle comme un navire et morte en m’adorant.

Toi quand tu seras prêt, en arme pour le crime, Masqué de cruauté, casqué de cheveux blonds, Sur la cadence folle et brève des violons Égorge une rentière en amour pour ta frime.

Apparaîtra sur terre un chevalier de fer, Impassible et cruel, visible malgré l’heure Dans le geste imprécis d’une vieille qui pleure. Ne tremble pas surtout, devant son regard clair.

Cette apparition vient du ciel redoutable Des crimes de l’amour. Enfant des profondeurs Il naîtra de son corps d’étonnantes splendeurs, Du foutre parfumé de sa queue adorable.

Rocher de granit noir sur le tapis de laine Une main sur sa hanche, écoute-le marcher. Marche vers le soleil de son corps sans péché, Et t’allonge tranquille au bord de sa fontaine.

Chaque fête du sang délègue un beau garçon Pour soutenir l’enfant dans sa première épreuve. Apaise ta frayeur et ton angoisse neuve, Suce son membre dur comme on suce un glaçon.

Mordille tendrement le paf qui bat ta joue, Baise sa tête enflée, enfonce dans ton cou Le paquet de ma bite avalé d’un seul coup. Etrangle-toi d’amour, dégorge, et fais ta moue !

Adore à deux genoux, comme un poteau sacré Mon torse tatoué, adore jusqu’aux larmes Mon sexe qui te romps, te frappe mieux qu’une arme, Adore mon bâton qui va te pénétrer.

Il bondit sur tes yeux ; il enfile ton âme Penches un peu la tête et le vois se dresser. L’apercevant si noble et si propre à baiser Tu t’inclines très bas en lui disant : "Madame" !

Madame écoutez-moi ! Madame on meurt ici ! Le manoir est hanté ! La prison vole et tremble ! Au secours, nous bougeons ! Emportez-nous ensemble, Dans votre chambre au Ciel, Dame de la merci !

Appelez le soleil, qu’il vienne et me console. Étranglez tous ces coqs ! Endormez le bourreau ! Le jour sourit mauvais derrière mon carreau. La prison pour mourir est une fade école.

* Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou Que ma main plus légère et grave qu’une veuve Effleure sous mon col, sans que ton cœur s’émeuve Laisse tes dents poser leur sourire de loup.

O viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne Arrive dans mes yeux qui seront morts demain. Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main, Mène-moi loin d’ici battre notre campagne.
Le ciel peut s’éveiller, les étoiles fleurir, Et les fleurs soupirer, et des prés l’herbe noire Accueillir la rosée où le matin va boire, Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.
O viens mon ciel de rose, O ma corbeille blonde ! Visite dans sa nuit ton condamné à mort. Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords, Mais
viens ! Pose ta joue contre ma tête ronde.
Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour. Nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes. On peut se demander pourquoi les Cours condamnent Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour.
Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre les portes ! Traverse les couloirs, descends, marche léger, Vole dans l’escalier, plus souple qu’un berger, Plus soutenu par l’air qu’un vol de feuilles mortes.
O traverse les murs ; s’il le faut marche au bord Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière, Use de la menace, use de la prière, Mais viens, ô ma frégate une heure avant ma mort.*

Les assassins du mur s’enveloppent d’aurore Dans ma cellule ouverte au chant des hauts sapins, Qui la berce, accrochée à des cordages fins Noués par des marins que le clair matin dore.

Qui grava dans le plâtre une Rose des Vents ? Qui songe à ma maison, du fond de sa Hongrie ? Quel enfant s’est roulé sur ma paille pourrie A l’instant du réveil d’amis se souvenant ?

Divague ma Folie, enfante pour ma joie Un consolant enfer peuplé de beaux soldats, Nus jusqu’à la ceinture, et des frocs résédas Tire d’étranges fleurs dont l’odeur me foudroie.

Arrache on ne sait d’où les gestes les plus fous. Dérobe des enfants, invente des tortures, Mutile la beauté, travaille les figures, Et donne la Guyane aux gars, pour rendez-vous.

O mon vieux Maroni, ô Cayenne la douce ! Je vois les corps penchés de quinze à vingt fagots Autour du mino blond qui fume les mégots Crachés par les gardiens dans les fleurs et la mousse.
Un clop mouillé suffit à nous désoler tous. Dressé seul au dessus des rigides fougères Le plus jeune est posé sur ses hanches légères Immobile, attendant d’être sacré l’époux.
Et les vieux assassins se pressant pour le rite Accroupis dan le soir tirent d’un bâton sec Un peu de feu que vole, actif, le petit mec Plus émouvant et pur qu’une émouvante bite.

Le bandit le plus dur, dans ses muscles polis Se courbe de respect devant ce gamin frêle. Monte la lune au ciel. S’apaise une querelle. Bougent du drapeau noir les mystérieux plis.

T’enveloppent si fin, tes gestes de dentelle ! Une épaule appuyée au palmier rougissant Tu fumes. La fumée en ta gorge descend Tandis que les bagnards, en danse solennelle,

Graves, silencieux, à tour de rôle, enfant, Vont prendre sur ta bouche une goutte embaumée, Une goutte, pas deux, de la ronde fumée Que leur coule ta langue. O frangin triomphant,

Divinité terrible, invisible et méchante, Tu restes impassible, aigu, de clair métal, Attentif à toi seul, distributeur fatal Enlevé sur le fil de ton hamac qui chante.

Ton âme délicate est par de là les monts Accompagnant encor la fuite ensorcelée D’un évadé du bagne, au fond d’une vallée Mort, sans penser à toi, d’une balle aux poumons.

Élève-toi dans l’air de la lune ô ma gosse. Viens couler dans ma bouche un peu du sperme lourd Qui roule de ta gorge à tes dents, mon Amour, Pour féconder enfin nos adorables noces.

Colle ton corps ravi contre le mien qui meurt D’enculer la plus tendre et douce des fripouilles. En soupesant charmé tes rondes, blondes couilles, Mon vit de marbre noir t’enfile jusqu’au cœur.

Oh vise-le dressé dans son couchant qui brûle Et va me consumer ! J’en ai pour peu de temps, Si vous l’osez, venez, sortez de vos étangs, Vos marais, votre boue où vous faites des bulles

Ames de mes tués ! Tuez-moi ! Brûlez-moi ! Michel-Ange exténué, j’ai taillé dans la vie Mais la beauté, Seigneur, toujours je l’ai servie, Mon ventre, mes genoux, mes mains roses d’émoi.

Les coqs du poulailler, l’alouette gauloise, Les boîtes du laitier, une cloche dans l’air, Un pas sur le gravier, mon carreau blanc et clair, C’est le luisant joyeux sur la prison d’ardoise.

Messieurs je n’ai pas peur ! Si ma tête roulait Dans le son du panier avec ta tête blanche, La mienne par bonheur sur ta gracile hanche Ou pour plus de beauté, sur ton cou mon poulet....

Attention ! Roi tragique à la bouche entr’ouverte J’accède à tes jardins de sable, désolés, Où tu bandes, figé, seul, et deux doigts levés, D’un voile de lin bleu ta tête recouverte.

Par mon délire idiot je vois ton double pur ! Amour ! Chanson ! Ma reine ! Est-ce ton spectre mâle Entrevu lors des jeux dans ta prunelle pâle Qui m’examine ainsi sur le plâtre du mur ?

Ne sois pas rigoureux, laisse chanter matine A ton cœur bohémien ; m’accorde un seul baiser... Mon Dieu je vais claquer sans te pouvoir presser Dans ma vie une fois sur mon cœur et ma pine !

*

Pardonnez-moi mon Dieu parce que j’ai péché ! Les larmes de ma voix, ma fièvre, ma souffrance, Le mal de m’envoler du beau pays de France, N’est-ce pas assez monseigneur pour aller me coucher Trébuchant d’espérance.

Dans vos bras embaumés, dans vos châteaux de neige ! Seigneur des lieux obcurs, je sais encore prier. C’est moi mon père, un jour, qui me suis écrié : Gloire au plus haut du ciel, au dieu qui me protège Hermès au tendre piéd !

Je demande à la mort la paix, les longs sommeils, Les chants des Séraphins, leurs parfums, leurs guirlandes, Les angelots de laine en chaudes houppelandes, Et j’espère des nuits sans lunes ni soleils Sur d’immobiles landes.

Ce n’est pas ce matin que l’on me guillotine. Je peux dormir tranquille. A l’étage au dessus Mon mignon paresseux, ma perle, mon jésus, S’éveille. Il va cogner de sa dure bottine A mon crane tondu. * Il paraît qu’à côté vit un épileptique. La prison dort debout au noir d’un chant des morts. Si des marins sur l’eau voient s’avancer les ports Mes dormeurs vont s’enfuir vers une autre Amérique.

**

07 février 2008


Sûr, je vieillis


je dois vieillir, sûr! Depuis quelques temps, dans le métro, dans la rue, partout, les mecs sont plus beaux! Et ça ce n’est pas possible. Rien n'a pu changer le cours des choses, rien ne permet de dire que tout d'un coup les mecs sont plus beaux, plus attirants. Et pourtant, chaque jour, je tombe sous le charme, d'une démarche, d'une main qui sert tout près de la mienne la barre du métro, d'une nuque de mec qui collé contre moi, recule encore plus à l'arrêt, juste pour laisser entrer quelques personnes de plus dans ce wagon déjà bondé. Et ce sourire, ce visage éclairé d'un coup par un rire tonitruant, ce regard qui interroge sa compagne visiblement fâchée. Ce nez aquilin, cette belle bouche entrouverte, ces joues un peu creuses et cette barbe naissante.
Tous les jours je me surprends, à regarder évoluer des garçons autour de moi ; je regarde bouger leur cul serré dans un jean délavé ou au large dans un baggy. Je les scrute tandis qu’ils parlent, qu’ils sourient, qu’ils vivent près de moi, avec moi finalement, l’espace de quelques instants volés.

De plus en plus m’émeuvent, jeunes, vieux ; bruns, roux ou blonds ; très minces, musclés ou enveloppés. C’est comme un poème qui se déroule autour de moi, une danse sans musique ; de l’élégance à l’état pur ; masculine ; virile ou aérienne. Légère. Juste la gloire du masculin.

Je les imagine triste ou heureux, amoureux aussi. Je les vois insouciants, moqueurs, charmeurs, triomphants et j’aime alors à les imaginer dans la solennelité du désir naissant. Ces moments d’avant l’amour, quand on ne rie plus, quand on sent son sexe grandir au fond des vêtements que l’on va ôter. Solennelité de ces instants où l’on se débarrasse enfin de tous ses artifices, de tous les faux semblants, ces instants où l’on ne ment plus, on est enfin soi.

Alors ils m’émeuvent. Tous

05 février 2008

ce matin


Ce matin tu es parti de très bonne heure. Ce matin, je me suis retrouvé seul, très seul dans notre grand lit. Le chat toujours ensommeillé à mes pieds. Ce matin, je me suis tourné et retourné dans nos draps tout chauds de la nuit. Ma tête un instant sur ton oreiller trempé. C'est fou ce que tu sue, la nuit. Ce matin, je me suis branlé. doucement tout d'abord, très machinalement, juste pour me soulager de cette délicieuse douleur d'une queue trop gonflée, trop raide. Puis, bien sûr, je m'y suis attelé, violemment, à m'en déchirer le prépuce. Tout y est passé : des slips usés, fatigués que j'enlève, une peau translucide de roux, des aisselles rousses, un ventre plat qui me mène vers une couronne de feu, autour d'un sexe offert et avalé goulument,... de multiples flashs de sexe express, comme pour m'en débarrasser, comme pour mieux retrouver, quelques instants encore la douceur de la nuit, la douceur de mes rêves.
rêves humides.

03 février 2008


De la sueur: l'essence de toi

La maison est maintenant prête pour les travaux! Nous avons passé le week end, à vider les armoires, à déménager les meubles déjà installés. C'est fou ce que l'on peut entasser en quelques mois. Pourtant nous le savions depuis longtemps que cette vieille maison périgourdine devrait être rénovée de fond en comble. Pourtant tous les amis se sont évertués à nous offrir des tas d'objets utiles; nous même avons chiné tout l'été. Maintenant il a fallu tout pousser, tout vider pour permettre aux ouvriers de faire leur boulot.

Ce soir enfin, après avoir tout déménagé dans les rares pièces qui resteront non touchées, nous avons retrouvé ces grandes pièces vides, un peu tristes.

Epuisés, nous nous sommes affalés quelques minutes sur le vieux canapé en lin. Tu sentais fort. Ton t-shirt, ton vieux jogging étaient tout humides de l’effort de la journée. J’ai aimé parcourir sous le t-shirt, ton torse, caresser tes aisselles. J’ai aimé passer la main sous la ceinture de ton jogging, caresser ton slip humide, caresser tes couilles humides.

Tu as ri tandis que je passais mes doigts, juste après mes caresses, sous mon nez. Tu riais encore en te déshabillant pour filer sous la douche. Me laissant là parmi tes fringues sales. Je peux rester longtemps à renifler un de tes sweats, un de tes slips fraîchement portés.

Quelques fois je pense qu’elles sont l’essence de toi.