04 octobre 2005

Y. me hante encore

Y. mon premier, mon tout premier. Pas de corps, ça j’avais connu bien avant, mais d’esprit. Nous avons passé ensemble les années cruciales de notre existence. Celles où l’on se modèle, les années danger.
Je ne savais pas encore ce que j’étais. Pas vraiment asexué, non, mais pas fixé du tout. J’avais déjà connu des mecs, des filles aussi ; mais en cette période, dans notre " tribu", à 18 ans, le sexe, la défonce, faisaient partie de nos dépassements. Y. était à part, un charme fou, lointain. C’était l’artiste. Il savait tout faire ; ses silences captivaient, ses longues tirades faisaient taire les autres. Quand il écrivait, c’était bien, quand il dessinait c’était bien. Il faisait et défaisait les amitiés. On ne lui connaissait aucun amour. Grand, brun, presque maigre ; c’était moi en mieux. Nous nous sommes reconnus dès le premier instant. Au premier regard, nous avons compris l’un et l’autre ce que nous pouvions faire ensemble. Du haut de notre ego, nous avons immédiatement régné sur la tribu. Inaccessibles, encore plus inaccessibles, les filles et les mecs rêvaient de nous avoir. Nous allions de fêtes en fêtes, créant chaque jour le mythe. Oh! un mythe limité certes à notre tribu, mais cela suffisait à remplir un peu le mal être de cette période où l’angoisse du devenir grandit peu à peu. Un amour comme celui là vous digère tout entier, engloutit tout peu à peu et porte en son sein, les germes de sa destruction. Forcèment. Trop fort, étouffant, tellement fusionnel. Bien sûr un jour il fallut nous séparer, violemment, définitivement, douloureusement.
J’en porte encore, après tant d’années les traces; quelques fois il est dans mes rêves, tel qu’il était à l’époque, pas tel qu’il est maintenant.
Et puis, comme aujourd’hui, il m’arrive, de croiser un regard, un sourire, un nez, une allure qui me le rappelle furieusement. Alors je le retrouve.

Depuis, nous nous sommes croisés que 2 ou 3 fois, il est marié à deux enfants. Nous évitons ces moments.
Nous portons l’un et l’autre ce même virus, souvenir caché et fusionnel, tatouage passionnel de notre jeunesse.

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