04 juin 2020

Un soir, une ville


Un soir, une ville, un nouvel ailleurs et, une nouvelle fois, les hormones à l’envers. Une ruelle désolée, des poubelles entassées, éventrées ; des effluves aussi et une petite pluie fine pour ne rien enlever au tableau.
Une porte discrète, , un néon cliquetant, comme souvent ces endroits. Une sonnette et mon cœur qui bat la chamade comme à chaque fois. Mes doigts hésitent, je m’apprête à basculer vers le coté obscur, vers un inconnu un peu glauque… Une porte s’entrouvre, juste assez pour me laisser entrer. C’a y’est j’y suis ; je suis de l’autre côté, j’ai pénétré le vortex, plus de recul possible ; aller de l’avant. Il fait bon, chaud, c’est accueillant, c’est déjà ça.
Un gars entre deux âges, un peu d’embonpoint sous un marcel plus très net me sourit et me prévient gentiment que, ce soir, c’est une soirée à thème, il hésite une seconde, ses yeux moqueurs rivés sur les miens 
– c’est une soirée slips, mais tu peux te mettre à poil aussi...
Il me tend alors un sac poubelle noir et me laisse encore un instant de réflexion
 - c’est pour tes fringues, elles seront surveillées, pas de bile-
Ce n’est pas forcément ce que je recherchais pour ce soir. Je voulais plutôt boire une bière, croiser mon regard avec un inconnu, échanger quelques mots, quelques câlins peut être, plus encore si affinité.
Mais tant pis, cela sera un cruising un peu ridicule dans un endroit forcément exigu, pire dépeuplé…
Mon dieu, il attend, d’un air vaguement moqueur que je me désape, jette une à une mes frusques dans ce foutu sac. Aussitôt fait, le sac refermé, numéroté, me voilà enfin en slip, d’une certaine façon, je me dit que le choix de ce matin est finalement le bon choix, un choix de circonstance : un vieux CK un peu terne, un peu lâche d'avoir été trop lavé. Rien d’ostentatoire, plutôt de circonstance.
Il ouvre enfin la porte du bar. C’est comble ! Noir de monde ! Plein de mecs de tous âges qui déambulent, causent, boivent en slip ou boxer. Quelques strings, quelques jockstraps aussi. Une douce lumière beigne le local. La musique est, comme souvent,  très forte.
 Tout au fond, sous les spots et les strobos, des corps en sueurs dansent. C’est excitant, les corps se frôlent, les sueurs se mêlent. Certains font mine de baisser leur slip. Des bouts de fesses blanches, des pubis apparaissent et disparaissent.
Un permanent va et vient mène vers un escalier en colimaçon descend vers un sous-sol., je comprends que tout se passe en bas. J’irais…
En attendant, les sens déjà en dérive, je me faufile à travers cette masse compacte de corps ; une main sur une épaule ou sur une hanche – pardon, merci, excusez-moi –
Mes fesses, mon sexe frôlent d’autres fesses, d’autres sexes à travers le coton ; quelques fois le geste n’est pas fortuit ; c’est le jeu.   
Je me commande un verre, tandis que mon voisin de bar, de la main, l’air de rien, vient flatter ma bosse. Tant mieux ! J’ai tout à gagner de cette mise en valeur et laisse faire. Cela m’aide à « entrer dans la ronde », avec tous ces hommes très à l’aise, entièrement en communion dans un plaisir partagé. Des mains se glissent dans les « undies », des sexes comprimés se devinent. On s’embrasse, on se sourit, on se caresse. Pourtant rien ne bascule, tout reste sous contrôle, presque sage. C’est l’antichambre de la débauche ; on se chauffe, on se prépare avant de descendre, là en bas, là où tout semble se passer, vers « la grande mêlée ».
L’escalier est là devant moi, mon cœur bat fort, cela doit se voir et, même si tout le monde s’en fout, je tente de donner le change, ma bouteille de bière à la main.
Je regarde ce silencieux va et vient. Ceux qui descendent et ceux qui remontent en regardant ailleurs, comme « un peu coupables », un peu « honteux ». Certains bandent encore, certains slips, un peu humides, ont encore du mal à contenir un sexe trop vite rangé. Je descends enfin. Les uns derrière les autres « à la queue leu leu ? », dans cet escalier exigu, on se croise difficilement, on se frôle et on s’excuse – encore- de le faire. Au fur et à mesure de la descente, la lumière s’estompe, la musique parvient encore mais de plus en plus assourdie. C’est comme participer à une cérémonie, à un rituel.
Quand enfin, après le dernier colimaçon, on est dedans, c’est la grande communion. Une pénombre rougeoyante, épaisse et moite de sous-marin m’englobe ; une moiteur miasmatique, acre, érotique : sueurs, effluves intimes.. Et puis le silence, enfin, une sorte de silence, un silence assourdissant, religieux, ponctué de halètements, murmures, bruissements de tissus, de corps trempés qui se frôlent, se caressent, s’entrechoquent enfin.
Je rentre dans la danse. les corps sont maintenant pour la plupart dénudés; me voilà happé, avalé, simple molécule de cette masse en fusion.. Un mouvement unique, centripète nous unis, trempés de sueur, nous ne faisons plus qu’un seul corps. Je baise de multiples bouches, ma langue se pose sur de multiples cous, de multiples regards en totale communion, s’abreuve d’une précieuse et aigre rosée au creux de multiples aisselles. Mes mains caressent, malaxent, jouissent de ces corps fermes, flasques, gras qui m’entourent; qu'importe, ce qui compte c'est la peau, la sueur, l'odeur, le désir qui s'en dégage. 

Mes mains effleurent, branlent tous ces sexes érigés qui battent contre moi. La densité est telle que nulle intimité n’est possible, c’est l’amour, le désir, la jouissance de tous pour un et l’amour, le désir, la jouissance de un pour tous.
Ma queue est raide à en déchirer le tissu, des mains se chargent de l’extirper de mon CK, je le laisse, me libère de ce fardeau, le retrouverai-je? qu'importe encore;  d’autres mains me caressent, m’empoignent dirais-je, les couilles. Mes fesses sont palpées, écartées, humées. Des doigts essayent le passage tandis que je m’excite sur le long sexe, le bas ventre et les couilles mal rasés d’un grand maigre, tatoué de partout. J’adorerais lécher tout cela, sentir ces poils naissant et drus sur ma langue et sur mes joues mais nous ne sommes qu’un chaînon d’une entité en perpétuel mouvement.
Inexorablement, centimètre par centimètre nous nous éloignons, c’est le jeu, c’est la l’implacable loi du monde que nous formons, effacées les individualités, c’est l’esprit de la ruche. Ma main pourtant s’accroche encore quelques instants à ces délicieuses noisettes, mais déjà tu vogue vers une autre bouche,  main,  cul,  je ne le saurais jamais.
Déjà   un visage me surplombe  ,nos regards s’attardent, ses yeux me poignardent, son désir me pénètre, comme pour un assentiment, qu'il lit puisque déjà il est en moi,  navigue en moi comme dans une mer déchaînée quand soudain, dans la tempête de la jouissance, il m’as collé son slip sur le visage; quel choc, en un instant ses effluves les plus intimes se sont emparés de moi, feux d’artifices de miels, de couleurs tandis qu'il déchargeait.

je garde ton Dim tandis que tu disparais emporté, je hume cette nouvelle relique, des vagues de plaisir explosent dans tout mon corps tandis que passant de mains en mains, ma queue est à rompre. Je me retient encore quelques instants puis chancelant, je jouis, je jouis offrant de longues giclées de semence à la communauté, qui me soutient, porte mon corps vacillant de sa petite mort.
Bien sûr, très vite, je serai l’intrus, celui qui doit partir, quitter la ronde.
Très vite, j’aurais trop chaud, les caresses anonymes me seront douloureuses. Je reprendrais alors le chemin inverse, sur le colimaçon, je rajusterai mon sexe dans ton Dim, au diable le mien et le regard fermé, je reviendrai à la lumière à la musique.
Mais j’aurais au creux de la main ma relique, parcelle de désir intense finalement assouvi.


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