16 décembre 2007

SONGofMYSELF

Si mon culte se tourne de préférence vers quel
que chose, ce sera vers la propre expansion de mon corps, ou vers quelque partie de lui que ce soit.
Transparente argile du corps, ce sera vous! Bords duvetés et fondement, ce sera vous! Rigide coutre viril, ce sera vous!
D'où que vous veniez, contribution à mon développement, ce sera vous!
Vous, mon sang riche! vous, laiteuse liqueur, pâle extrait de ma vie!

P
oitrine qui contre d'autres poitrines se presse, ce sera vous!
Mon cerveau ce sera vos circonvolutions cachées!
Racine lavée de l'iris d'eau! bécassine craintive! abri surveillé de l'oeuf double! ce sera vous!

Foin emmêlé et révolté de la tête, barbe, sourcil, ce se
ra vous!
Sève qui sci
ntille de l'érable, fibre de froment mondé, ce sera vous!
Soleil si généreux, ce sera vous!
Vapeurs éclairant et ombrant ma face, ce sera vous! Vous, ruisseaux de sueurs et rosées, ce sera vous!
Vous qui me chatouillez doucement en frottant contre moi vos génitoires, ce sera vous!
Larges surfaces musculaires, branches de vivant chêne, vagabond plein d'amour sur mon chemin sinueux, ce sera vous!
Mains que j'ai prises, visage que j'ai baisé, mortel que j'ai touché peut-être, ce sera vous!

Je r
affole de moi-même, mon lot et tout le reste est si délicieux!
Chaque instant et quoi qu'il advienne me pénètre de joie, Oh! je suis merveilleux! Je ne sais dire comment plient mes chevilles, ni d'où naît mon plus faible désir.
Ni d'où naît l'amitié qui jaillit de moi, ni d'où naît l'amitié que je reçois en retour. Lorsque je gravis mon perron, je m'arrête et doute si ce que je vois est réel.
Une belle-de-jour à ma fenêtre me satisfait plus que toute la métaphysique des livres. Contempler le lever du jour!
La jeune lueur efficace les immenses ombres diaphanes
L'air fleure bon à mon palais.
Poussées du mouvant monde, en ébrouements naïfs, ascension silencieuse, fraîche exsudation,

Activation oblique haut et bas.
Quelque chose que je ne puis voir érige de libi
dineux dards
Des flots de jus brillant inondent le ciel.
La terre par le ciel envahie, la conclusion quotidienne de leur jonction
Le défi que déjà l'Orient a lancé par-dessus ma tête,
L'ironique brocard: Vois donc qui de nous deux sera maître!
Walt Whitman (Traduction d'André Gide)

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