01 mars 2010

bouquins

.La Bête contre les Murs-Edward Bunker

« A ceux de là bas et qui en sont sortis » : Cette dédicace en dit déjà long. Ron Decker va tout apprendre de la prison

Deux ans. Tout commence au tribunal, où Ron, la vingtaine, plutôt beau gosse, écope de deux années minimum au pénitencier de San Quentin, tristement connu pour ses meurtres sauvages et répétés, ses émeutes raciales... Après tout, qu'est ce que c'est, deux ans ? Pas grand chose, se dit-il, dans deux ans il sera dehors, certes en conditionnelle mais libre. Seulement le monde qu'il découvre entre les murs de San Quentin va vite le faire déchanter. Ici émeutes raciales, viols et meurtres de sang froid font partie du quotidien. Ce n'est pas ce qu'a connu Earl lorsqu'il est arrivé entre ces murs 18 ans auparavant. A son époque, pas de clans, pas de guerre. Il fallait simplement paraître dur pour laisser ses fesses au frais et ne pas se faire refroidir.

Beau gosse. Lorsque Earl voit Ron pour la première fois, il ne veut pas de lui. Le joli gosse au milieu des bêtes en mal de femmes ne peut que lui attirer des ennuis à quelques années de la libération... Et pourtant il décèle en lui une force que les autres prisonniers n'ont pas, aussi bestiaux soient-ils. Earl et Ron deviennent alors les meilleurs amis qu'ils ont jamais eu. Ron intègre la Fraternité Blanche et passe les émeutes à l'abri, se libère de quelques psychopathes le plus simplement du monde.

Prison Facile. Earl est le prisonnier le plus influent de la prison et dirige une horde de monstres blancs pouvant tuer de sang froid pour un paquet de cigarettes. Earl a fait beaucoup pour lui, mais quand une nouvelle fois un gros dur désire l'avoir comme mignon, Ron se rebiffe et lui inflige le châtiment approprié dans ce monde fermé : la mort. Ron vient de terminer sa descente aux enfers. Le seul échappatoire vers la liberté : l'évasion...

Un uppercut littéraire. Après Aucune Bête aussi féroce, Edward Bunker frappe un nouveau grand coup. Ce roman ne peut laisser personne indifférent, tant les récits, précis et vivants, font apparaître l'horrifiante réalité : Ron est un citoyen comme les autres. Même s'il vend de la drogue, il ne pourrait jamais tuer un de ses semblables, noir ou blanc. Il ne fait que "répondre à la demande" dit-il au juge. Et pourtant, après moins d'un an placé entre quatre murs, ce même Ron est devenu raciste et meurtrier. Le premier aspect essentiel de ce récit est le long processus de déshumanification d'un citoyen placé dans un milieu extrême. L'autre aspect essentiel est la description, criante de vérité et fouillée, de ce monde carcéral.

Autobiographie à deux visages. A travers les deux personnages principaux, on retrouve l'auteur à deux âges différents : Bunker a pénétré cet univers très tôt et a dû survivre dans ce milieu convoitant la chair fraîche. Plus tard, ayant grandi, il a su tirer quelques ficelles et devenir un "citoyen" respecté. Ce point est récurrent chez Bunker qui n'a pour l'instant écrit que sur les truands et la prison, encyclopédie vivante en la matière.

To Hell and Back. Ce roman a propulsé Edward Bunker au rang de consultant dans le monde du cinéma, pour tout ce qui touche de près ou de loin à la prison. Les bandits de Heat, de Reservoir Dogs (Mr Brown)... sont calqués sur les dires de l'ancien plus jeune pensionnaire de San Quentin. L'univers de Bunker a planté le décor de nombreuses fictions, il est pourtant bien réel (la vraie TV réalité ?). L'adaptation de Steve Buscemi portée au cinéma, acclamée par la critique, et la série Oz en sont deux exemples. Une grève de prisonniers, revendiquant de meilleures conditions de détention, tournée en émeute raciale par les dirigeants, pour faire taire l'opinion publique. Des gardes qui abusent parfois de leur fusils de sniper. Des meurtres pour rien diriez-vous, des meurtres pour tout diraient-ils. Bunker nous met sous le nez un monde qui ne ressemble à rien de connu pour nous simples citoyens : l'Enfer.

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