16 octobre 2005

LesBAISERSéternels

Il est des baisers comme de toute choses, on y prend plaisir le plus souvent mais la plupart sont communs ; quelques uns cependant sont à jamais ancrés dans notre mémoire.
Le premier

L’église était comble, tout ce que P. comptait de marginaux et de révoltés s’était donné rendez-vous là. Les 4 insoumis faisaient la grève de la faim depuis 3 jours déjà ; des bénévoles se relayaient pour apporter du réconfort et protéger les grévistes par leur présence massive et empêcher les forces de l’ordre d’envahir l’église et de les arrêter. Nous savions que l’évêché avait donné son accord à cette occupation pacifiste mais on se méfiait de la police.
Pour ma part, comme la plupart des présent et bénévoles, j’étais motivé à la fois par le coté ludique de la manifestation, grande occasion de faire la fête et de rencontrer des gens mais aussi par ma situation particulière d’insoumis espagnol. Fils de réfugiés politiques, il ne faisait pas bon, aller de l’autre coté de la frontière ; surtout pour y faire le service militaire au service de la dictature.
J’avais amené avec ma copine de l’époque « Bouka », des canettes de bière pour soutenir le moral des présents. Un copain est rentré dans l’église en trombe, les CRS allaient charger et tenter d’évacuer l’église ; débandade générale, tout le monde se met à courir dans tous les sens, chercher ce qui pourrait aider à contenir les flics en dehors et ce qui pourrait servir à se défendre ; ma situation d’insoumis espagnol m’interdisait de prendre trop de risque, si la police m’arrêtait, j’étais bon pour une reconduite à la frontière et les geôles de Franco.
Bouka et moi sommes donc sortis pendant qu’il était encore temps. Nous avons couru, les flics étaient partout, ils nous ont poursuivi dans les ruelles de la vieille ville ; je tenais Bouka par la main mais je sentais qu’elle s’essoufflait et qu’il fallait faire vite. Je me suis rappelé qu’un ami de L. habitait tout près, nous nous sommes engouffrés dans son immeuble, juste au détour d’une rue. Nous avons tambouriné à sa porte, R. nous a ouvert et nous avons attendu de voir si les flics nous avaient vus ou pas entrer dans l’immeuble. les avions-nous semés ? Le calme était revenu ; nous avons ri. R. nous a servi un thé. Son appartement était minuscule et encombré d’objets de toutes sortes de tapis et de coussins pas de meubles ou très peu, la vie s’écoulait au raz du sol.
Il a mis un disque de musique classique, Bouka a pris une BD. Il m’a alors regardé bizarrement et m’a sourit. Il a sorti une petite fiole d’huile essentielle et m’a proposé de me faire un massage relaxant « bien nécessaire après cette aventure !.. ». Il s’est placé en face de moi, tout près. Il a écarté mes longs cheveux noirs et les a placés derrière mes oreilles, s’est enduit les doigts d’huile et a commencé à me masser très doucement les tempes, ses yeux dans les miens. Imperceptiblement, tandis que je me laissais gagner par la douceur de ses doigts, il se rapprochait de mon visage. Je le voyais bien, mais ne pouvait ou ne voulait déjà plus rien faire. Sa bouche était maintenant à quelques millimètres de la mienne, je sentais son souffle sur mon visage ; il m’a embrassé, longuement ; sa langue a rencontré la mienne. J’ai aimé. J’ai oublié Bouka.. Nous avons fait l’amour, c’était pour moi la première fois avec un mec, je découvrais les gestes, R. savait ce qu’il fallait faire. Il a voulu me prendre, je ne me suis même pas posé la question si c’était bien ou pas, je me suis laissé faire. Il a jouit en moi, j’ai jouit en même temps. Nous avons dormi ensemble. Bouka était alors bien loin, nous ne l’avons pas entendu partir. Le lendemain, j’ai appris qu’elle partait pour la côte d’azur, je ne l’ai plus jamais revue. Je me suis dit un court instant que j’étais un salaud, mais ma vie avait basculé J’aimais R., j’étais un homme, j’étais devenu ce que je voulais être.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire