26 octobre 2008

Bouquins

LaporteDESenfers-L. gaudé


Matteo est pressé ce matin là. Matteo fait courir Pippo, son fils. Matteo est en retard. Pippo est fatigué, Pippo veut s’arrêter, souffler, respirer un peu mais Matteo le tire, l’entraîne, l’exhorte à avancer.

Mais ce matin là, cette minute là, cette seconde là, une fusillade dans les rues de Naples vient stopper net la course de Matteo et Pippo. Briser net leurs pas ; voler la vie de Pippo. Dévaster celle de Matteo et pulvériser celle de Guiliana, la mère, la femme, arrêter sa vie aussi sec que si c’était elle qui avait reçu la balle perdue.

Peut-on revenir d’entre les morts ? Que deviennent les nôtres, les âmes de nos défunts une fois que l’ombre les a englouties ? N’existent-elles plus que dans nos souvenirs et nos cœurs ? S’étiolent-elles lentement avec le temps et l’érosion de la mémoire ?

Laurent Gaudé a écrit ce livre pour ses morts. Pour illuminer leurs ténèbres et ce récit se transforme en conte qui se voile peu à peu de magie, de douceur, de souffrance aussi, de nostalgie et de poésie.

Matteo, abandonné par Guiliana, elle-même trop dévastée pour rester aux cotés de son mari, va chercher son fils là-bas, en Enfers. Parce qu’il existe une Porte, que lui montrera le Professore Provolone. Les ombres des morts s’y glissent pour effleurer les corps de ceux qui les pleurent, les caresser, leur parler. Cette partie du roman est à la fois âpre, douloureuse, et lumineuse :

« …les ombres étaient en effet d’une incandescence variable. Certaines brillaient comme des feux follets, d’autres étaient si pâles qu’elles semblaient presque transparentes. « C’est la règle aux pays des morts… les ombres auxquelles on pense encore au pays des vivants, celles dont on honore la mémoire et sur lesquelles on pleure, sont lumineuses. Les autres, les morts oubliés, se ternissent et glissent à toute allure vers le centre de la spirale… Dans le foule épaisse de ces dizaines de milliers d’ombres, il distinguait maintenant mille particularités. Certaines pleuraient en se déchirant les yeux, d’autres souriaient, embrassant la terre avec gratitude. « Regarde celle-là… elle a les joues baignées de pleurs et sourit. Elle vient de sentir qu’un vivant pense à elle et c’est quelqu’un dont elle n’aurait jamais imaginé qu’il puisse se souvenir d’elle avec autant d’affection. Regarde. D’autres pleurent et s’arrachent les cheveux parce qu’elles pensaient que leur mémoire serait célébrée et découvrent, avec rage, que personne ne songe plus à elles. Ni leurs proches, ni leurs parents. Elles se vident et ternissent. Elles deviennent de plus en plus pâles jusqu’à être totalement translucides et filent vers le néant. »

Jamais Laurent Gaudé ne sombre dans une sentimentalisme dégoulinant et encore moins un pathos écoeurant. Il y a la deuil, l’absence, les remords, la douleur et le néant, mais le tout est nimbé d’un halo de respect et de douceur, servi par une plume fluide, caressante, presque rassurante.

C'est toujours la même très belle écriture, toujours ces caractères hors normes, ces personnages "à coté" du monde. un seul reproche: la descente aux enfers, la dérive "roman mystique"; c'est Orphée 2008

Comme si nos morts voulaient nous chuchoter à l’oreille des mots de réconfort.

article très critique du nobs

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