18 octobre 2008

Opéra


Armi
de,
de Lully. Théâtre des Champs-Elysées, 17octobre

Une bordée de huées a accueilli le metteur en scène Robert Carsen à l'issue de la première représentation d'Armide, de Lully, que présentait, le mercredi 8 octobre, le Théâtre des Champs-Elysées à Paris. Pourtant, cette fois encore, le Canadien s'est tenu dans les limites paresseuses d'un bon chic bon genre visuel (entre le gris perlé des vitrines Dior, en face, avenue Montaigne, et la jonchée de roses rouges du film American Beauty) et a tout organisé autour d'un seul concept fétiche (le lit du roi), décliné ad nauseam, sur fond de mise à distance de l'objet historique référencé que constitue cet opéra Grand Siècle : on commence par une visite filmée de Versailles, au cours de laquelle un touriste, Renaud, s'endort sur le lit du roi. A la fin de l'ouvrage, juste après le climax qui voit Armide s'occire, on revient à la visite grotesque du début. Ah ! Ce n'était qu'un rêve... Armide est une méchante tentatrice, elle est donc en déshabillé rouge. Les esprits infernaux qu'elle excite sont bien sûr vêtus de la même tenue. Quand Renaud, devenu à son tour cruel, quitte Armide, comment Carsen l'habille-t-il ? De rouge, bien sûr. On reste ébahi devant l'usage de telles ficelles conceptuelles qui, par leur choix, obligent de surcroît à doubler, voire à tripler, des préludes et postludes pour meubler en musique les encombrements "dramaturgiques" de Carsen. TROU DE MÉMOIRE Le chef William Christie manque de précision et peine à trouver un équilibre dans la conduite des cinq actes de l'ouvrage. Les deux premiers défilent dans une sorte de flux presque indifférent, d'autres moments s'amollissent (le dernier air d'Armide) ou tombent d'eux-mêmes (l'acte IV, une scène de comédie souvent coupée). Il réussit en revanche la scène de ballet de l'acte II. La chanteuse Stéphanie d'Oustrac (Armide) compense ses faiblesses (raideur et émission basse des aigus) par une présence rayonnante et une diction parfaite. En Renaud, Paul Agnew, fin musicien habitué de ces rôles de ténor aigu, semblait absent et a eu un long trou de mémoire au cours du "Sommeil", le moment le plus connu de la partition. L'élément le plus convaincant de la soirée est la chorégraphie de Jean-Claude Gallotta, qui ne moque pas le legs baroque et parvient à finement réinventer une rhétorique aussi libre que respectueuse.
Renaud Machart
Article paru dans l'édition du 11.10.08


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