14 mars 2010

bouquins

 Lameilleurepartdeshommes

Le sida, c'est son idée. Rien d'impérieux. Disons qu'il y est arrivé par déduction. Tristan Garcia, 26 ans, cherchait un biais pour évoquer la décennie 80. Celle des luttes, des crises et des éditos engagés dans Libé. Or à l'époque, ça semble se passer là, chez les militants homos et dans les rangs d'Act up. En 1981, Barthes meurt et le sida naît. Libre à l'auteur d'y voir un symbole. D'un côté, celui du déclin des intellectuels. De l'autre, celui d'un nouvel activisme, via les associations. Ensuite vient l'épineuse question de faire entrer tout cela dans un roman. L'important, c'est d'oser, de « s'emparer de l'histoire récente comme le font les romanciers anglo-saxons » et de sculpter, au final, une fresque brillante et cultivée avec des personnages que l'on croit reconnaître à chaque page (Guillaume Dustan, Didier Lestrade, Finkielkraut...).

La Meilleure Part des hommes est un premier roman d'une ambition féroce, sorte de Bret Easton Ellis rive gauche qui dégoupille la question du bareback — la transmission volontaire du sida — entre deux portraits d'intellos parisiens fatigués de leur propre néant. Moralement, Garcia ne tranche pas. Il compare la passion qui jaillit des pratiques SM à celle qui vacille dans les discours de Glucksmann, esquisse une fin ambiguë, à l'image des séries américaines qu'il apprécie. Car sa culture ne s'arrête pas à Tel quel. Ses connaissances de normalien ne sont qu'un tremplin pour le reste. Les mangas (Tezuka, surtout), les films (Cimino, Altman) — il a loupé deux fois l'oral de la Femis, s'est rabattu sur l'école documentaire de Jean Rouch — et les séries HBO (« Une série comme Six Feet under doit remettre les romanciers en question, comme le cinéma l'a fait avec ceux des années 40, de Sartre à Dos Passos. »)

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