08 août 2010

Verlaine-Hombres- 3

MILLE ET TRE
Mes amants n'appartiennent pas aux classes riches :
Ce sont des ouvri
ers faubouriens ou ruraux,
Leurs quinze et leurs vingt ans sans ap
prêts sont mal chiches
De force assez brutale et de procédés gros.
Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ;
Ils ne sentent pas l'a
mbre et fleurent de santé
Pure et simple ; leur marche un peu lourde,
va preste
Pourtant, car jeune, et grave en l'élasticité ;
Leurs yeux francs et matois crépitent de malice

Cordiale et des mots naïvement rusés
Partent non sans un gai juron qui les épice
De leur bouche bien fraîche aux solides baisers ;
Leur pin
e vigoureuse et leurs fesses joyeuses
Réjouissent la nuit et ma queue et mon cu ;
Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs
joyeuses
Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.
Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle,
Mémoire, pieds, coeur, dos et l'oreille et le nez
Et la fressure, tout gueule une ritournelle,
Et trépign
e un chahut dans leurs bras forcenés.
Un chahut, une ritournelle fol et folle
Et plutôt divin
s qu'infernals, plus infernals
Que divins, à m'y perdre, et j'y nage et j'y vole,
Dans leur sueur et leur haleine, dans ces bals.
Mes deux Charles l'un jeune tigre aux yeux de chattes
Sorte d'enfant de choeur grandissant en soudard,
L'autre, fier gaillard, bel effronté que n'épate
Que ma pente vertigineuse vers son dard.

Odilon, un gamin, mais monté comme un homme
Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils
Mieux encore mais pas plus que de son reste en somme
Adorable drûment, mais ses pied
s sans pareils !
Caresseurs
, satin frais, délicates phalanges
Sous les plantes, autour des chevilles, et sur
La cambrure veineuse et ces baisers étranges
Si doux, de quatre pieds, ayant une âme, sûr !
Antoine, encor, proverbial quan
t à la queue,
Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu,
Taraudant tout mon coeur de sa prunelle bleue
Et tout mon cul de son épouvantable
épieu.
Paul, un athlète blond aux pectoraux
superbes
Poitrine blanche, aux durs boutons s
ucés ainsi
Que le bon bout ; François, souple comme des gerbes

Ses jambes de danseur, et beau, son chibre aussi !
Auguste qui se fait de jour en jour plus mâle

(Il était bien joli quand ça nous arriva)
Jules, un peu putain avec sa beauté pâle.
Henri, me va en leurs conscrits qui, las !
s'en va ;
Et vous tous ! à la file ou confondus en bande
Ou seuls, vision si nette des jour
s passés,
Passions du présent, futur qui croît et bande
Chéris sans nombre qui n'êtes jamais assez !

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