13 janvier 2008


PhilippeBesson - Unhommeaccidentel

Philippe Besson vient de réussir un roman intense et fulgurant mais - surtout - parfaitement dérangeant. Un homme accidentel, c'est Brokeback Mountain en version française: comme Annie Proulx, Besson met en mots l'attraction fulgurante qui jette l'un contre l'autre deux hommes programmés pour ne jamais se rencontrer. Deux individus que tout maintenait à distance. Seul un «accident extravagant» était susceptible de les mettre en présence.

Ecartons tout de suite les lectures réductrices: ce roman n'est pas l'histoire d'un type qui découvre son homosexualité, c'est le récit d'une transgression. Notre homme, marié, épris de sa femme et qui va devenir père, est percuté par la passion. Et il se trouve qu'ici la passion prend le visage non d'une femme, mais d'un homme. Jack Bell a 25 ans, il est acteur de cinéma. Qu'est-ce que la transgression? Changer de pratique sexuelle? Non. C'est avoir la possibilité, à chaque pas que l'on amorce, de revenir en arrière... et ne jamais le faire.

La scène se passe à Los Angeles, au début des années 1990, dans la cité des émeutes raciales et de la prostitution, sur Sunset et Hollywood Boulevards, aujourd'hui nickel et arpentés par des touristes venus se gorger de paillettes. Nos deux hommes échoueront à Big Sur - lieu de perdition hautement littéraire, puisque c'est là que se réfugia en 1942 Henry Miller - avant de s'enfermer dans un motel de Venice Beach, tels Butch Cassidy et le Kid. Besson a choisi deux symboles forts, ceux de l'Amérique triomphante: le flic quelconque et l'acteur à l'ascension foudroyante. Deux représentations de la virilité.

Pour la première fois en huit romans, Philippe Besson a écrit une scène de sexe. Crue. Très. Etait-ce utile? Pas sûr. On préférera la page, sublime, sur la «morsure du manque», cette attaque sournoise qui frappe sans prévenir, par effraction. Un homme accidentel montre qu'il n'y a d'amour qu'à condition que la frénésie et l'urgence soient au rendez-vous. Besson a raison. Il faut jouer avec le feu. Et tant pis si s'animent d'immenses brasiers.

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