23 avril 2011

Bouquin du we




Vivre encore un peu
Christophe Donner

Brillants, vachards, saignants : ainsi sont, depuis trente ans, les livres de Christophe Donner, exercices toujours plus ou moins directement autobiographiques, linge sale lavé non pas en famille mais en public, et dont ont largement fait les frais ses parents, et d'autres parmi ses proches - règlements de comptes sans fioritures, sans ménagement. La méthode est une fois de plus la même - directe, mordante, cruellement drôle -, mais elle met au jour une tendresse inattendue, dans ce roman au centre duquel se tient le centenaire Elias Chamoun, beau-père du narrateur, un dénommé Christophe, qui raconte une ultime visite rendue au vieil homme, au Liban, où il vit. Alors qu'il devrait être mort. Du moins est-ce là ce qu'à son âge on attend de lui : qu'il s'éteigne, qu'il déclare forfait, qu'enfin il s'en aille. Seulement, voilà, à 104 ans, Elias ne l'entend pas ainsi : il s'accroche, il s'obstine, alors même que son corps le lâche, qu'il n'a plus toute sa tête, que les siens sont plus que las de son entêtement à ne pas mourir. « Moi aussi, je l'aimais beaucoup, mais ça n'est plus ça. Il aurait plutôt tendance à m'exaspérer à présent. C'est son âge que je déteste, ce record absurde qui fait l'admiration de tous et qui le conduit à cette ruine désolante que la mort ne veut pas soulager », note Christophe, que ces quelques jours passés à Beyrouth immergent dans l'histoire intime d'Elias, de sa femme, l'hostile Farah, de leurs enfants. Dans l'histoire déchirée du Liban. Dans sa propre histoire familiale, non moins problématique. Autour de l'increvable Elias, l'écheveau des émotions et des sentiments que tisse Donner est formidablement complexe, réaliste et cruel - cette âpre lucidité est, une fois encore, la grande force de l'écrivain.

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