17 janvier 2007

La traversée de l'été - Truman Capote

Il n'avait pas 20 ans quand, en 1943, dans un misérable studio de la 3e Avenue, il jeta sur des cahiers d'écolier un premier roman intitulé Summer Crossing (La Traversée de l'été). Mais il ne tarda pas à le renier, et il le dissimula au fond d'un tiroir sans jamais le publier. Miracle: le manuscrit, dont personne ne soupçonnait l'existence, est réapparu chez Sotheby's l'an dernier, lors d'une vente aux enchères, et sa traduction française vient de sortir chez Grasset. Une curiosité? Non, un récit foudroyant et foudroyé, où Capote prouve qu'il pouvait déjà se mesurer à Fitzgerald en orchestrant, sur fond de dolce vita, un vertigineux naufrage sentimental dans le New York des années jazzy.

Grady McNeil, 17 ans, est une enfant gâtée aux yeux émeraude et à la frange rebelle. Fille d'un manitou de Wall Street, flanquée d'une mère décervelée qui ne pense qu'à sa garde-robe, elle s'ennuie à mourir. Les orchidées, le champagne, ce n'est pas pour elle: cette crazy kid préfère le ténébreux parking de Broadway où trime le trop beau Clyde, un marlou qu'elle a dans la peau. Et qu'elle entraînera, une fois ses parents partis en Europe, dans de folles escapades à travers New York, sous l'écrasante canicule d'un été meurtrier. Avant le crash final, au volant d'une Buick décapotable qui fonce vers l'abîme, au petit matin, lorsqu'il est temps de conclure une histoire vouée au fiasco.

Sur les amours tragiques de Grady and Clyde, l'auteur de Prières exaucées (Grasset, collection Les Cahiers rouges) jette le lourd filet du malentendu, comme si la barrière qui sépare les riches et les pauvres était infranchissable. A moins que les deux amants ne portent en eux toutes les blessures d'une génération perdue... «Rien ne dissipait mieux l'ennui que le frisson du danger. On ne fuit pas les gens, on se fuit soi-même», écrit Capote dans ce roman qui est un pathétique adieu à l'innocence. Et qui, au chagrin, ajoute toute la nostalgie d'une époque où la voix de Billie Holiday berçait Broadway et ses nuits blanches. La Traversée de l'été n'aurait pu être qu'une pâle bluette glamoureuse: c'est au contraire un récit étourdissant, une saison en enfer où le fantôme de James Dean croise celui de Gatsby, sous le regard d'un romancier débutant mais déjà sacrément chevronné. Et plus tendre que

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