MESSIRE LOUP
superbe blog qui m'a permis de re-découvrir Duane Michael
Ce doit être là, je pense,
Où le torse rejoint la hanche,
Ce contour en arcs jumeaux
D'une grâce féminine et ceinturant le tronc,
Leur intersection, L'apex du plaisir.
Mais qui a dit que les auteurs français n’étaient plus capables de raconter des histoires ? Moi. Marc Dugain vient de m'administrer un démenti cinglant.
Quoi de plus agréable de commencer à lire un roman avec ses petits soucis, puis d’oublier tout et tout de suite, pour entrer dans un salon discret du Kremlin, où Olga Ivanovna Atlina soigne Staline en personne. Elle ne le fait pas de gaieté de cœur : Olga, médecin réputé a été dûment réquisitionnée par le Maître, et a été priée de quitter son mari sous peine de faire plus ample connaissance avec les frimas sibériens.
Cela s’appelle de la terreur. Staline assume :
Pour moi, la terreur, c’est la certitude pour tout homme de l’Union soviétique, du plus humble au plus puissant, de l’anonyme à l’ami de Staline, que rien ne le protège d’une décision de l’exécuter qui peut tomber à chaque instant sans véritable fondement. »
Staline à peine décédé, nous voici en Allemagne de l’Est, en compagnie de Vladimir Plotov, un espion du KGB. Il sera chargé d’approcher une accorte allemande l’Est, espionne, elle aussi, qui lui proposera ses charmes et ses deniers. Plotov résistera et deviendra le président russe. Si cela vous fait penser à Vladimir Poutine, c'est normal !
A peine remis de ces émotions, Dugain nous transporte au bord de la mer de Barents, pour partager la vie quotidienne de Pavel, le père d’un marin naufragé dans l’accident d’un sous-marin russe, l’Oskar. Si cela vous fait penser au Koursk, naufragé pour de vrai le 12 août 2000, c'est normal.
Et pour terminer, Marc Dugain conte les dernières heures de Vania, le fils de Pavel, par 100 mètres de fond, dans l'indifférence du président Vladimir Plotov, pourtant informé du drame. A la lecture des passages décrivant la raréfaction de l’oxygène, ne vous étonnez pas si vous respirez péniblement. Prenez une bonne bouffée d’air avant de lire ceci :
Le silence s’est progressivement emparé de l’épave. Les heures s’égrènent et, quand le sommeil paraît poindre, le froid devient subitement insupportable. La mer a refroidi l’épave à température des profondeurs. Il devient impossible de dormir. Vania réalise que sa hanche est mouillée. L’eau est là, déjà. En montant, elle comprime la bulle d’air. Les corps sont à moitié paralysés par l’eau glacée et les têtes écrasées par la pression. »
Si vous aimez les petites histoires dans la grande Histoire, les récits bien bâtis, le verbe modeste qui n’exclut pas les belles formules, lisez « Une exécution ordinaire ».
Non content de réunir ces qualités, ce roman semble défendre une thèse : celle d’une Russie immuable, où l’impérialisme, le culte du secret, et l’écrasement de l’individu sont des phénomènes qui résistent au temps, que le régime soit tsariste, communiste, ou « démocratique ».
La maison de Bernarda -
Mats ek-OpéraGarnier
A l'Opéra Garnier, à Paris, La Maison de Bernarda, chorégraphiée en 1978 par le Suédois Mats Ek, d'après l'ultime pièce de théâtre du poète espagnol Federico Garcia Lorca (1898-1936), met en scène un homme (le danseur étoile Manuel Legris, remarquable) dans le rôle de l'épouvantable veuve. Etrangement, le contexte terrifiant du scénario et la cruauté castratrice de Bernarda vis-à-vis de ses cinq filles font douter de la justesse de ce parti pris. En faisant jouer Bernarda par un homme travesti, Ek désamorce la brutalité maladive du propos. Il la tient à distance comme si une femme ne pouvait pas vraiment commettre autant d'exactions familiales.
Une scène en particulier, rude et transgressive, ne permet jamais d'oublier que Bernarda est dansée par un homme. Lorsque, torse nu, elle s'offre un pas de deux avec le Christ qu'elle a décroché de sa croix, on ne voit que deux hommes enlacés. Cette étreinte sauvage de malaise finit par dépasser les genres pour atteindre à l'expression d'un érotisme religieux malsain. Elle fit un scandale en Espagne trois ans après la mort de Franco (1975).
ECRITURE SÈCHE ET BIZARRE