08 octobre 2014

Mille pensées dormaient **

Pervers je suis ? Voilà un endroit excitant, le meilleur moment de la gym ! Se défringuer lentement, jeter un regard oblique vers les mecs qui se désapent, sortent de la douche, une serviette légèrement posée bas sur les hanches, des mecs qui se sèchent en laissant apparaître des tranches d’anatomie. Tranquillité impudique car toute masculine.
On est entre nous. Bien entendu personne n’est dupe, tous nous nous savons regardés, cela nous plait ou, au pire, nous indiffère ; cela fait partie du jeu.
Le banc ; on y dispose négligemment ses fringues ; un short, un maillot trempés de sueur. On reste un moment exposé, nu, à se sécher chaque millimètre du corps, à sortir son slip du placard, l’enfiler en se rajustant la queue, bien souvent légèrement gonflée, excitée de sentir tous ces regards posées dessus. 

Les odeurs, sueur, savons, colognes, chaussettes, serviettes humides oubliées dans un sac ou un placard.
La douche, on se savonne longuement les yeux fermés comme pour expulser la fatigue de l’effort accompli. On se regarde les bras, on se tâte les pectoraux comme si vraiment, la séance avait donné une nouvelle ampleur à ce corps que l’on redécouvre. La vapeur remplit la salle de douche, on se tourne, retourne, on insiste particulièrement sur le bas-ventre, on se décalotte pour nettoyer les dernières traces de crasse, justement, précisément là et aussi bien entendu sous les couilles.
Tout ce petit jeu, pratiquement tous les garçons s’y prêtent, ce n’est pas une question de sexualité. Tous ne sont pas PD, la plupart sont au contraire des mecs "pour de vrai de vrai" comme ils disent.
Non, c’est comme une tradition qui perdure à tout âge sans doute reconduite depuis l’école.
Je quitte toujours à regret cet endroit, rêvant à chaque fois d’emporter avec moi, quelque chose qui immortaliserait le moment, un maillot trempé, un vieux slip. J’aurais ainsi l’impression de capter dans ces odeurs capturées, l’âme du propriétaire, lire en lui et peut être le découvrir.







Les Fleurs du Mal,
Il est de forts parfums pour qui toute matière
 Est poreuse ; — on dirait qu'ils pénètrent le verre. 
Quelquefois en ouvrant un coffre d'Orient 
Dont la serrure grince et rechigne en criant, 
Ou dans une maison déserte quelque armoire,
Sentant l'odeur d'un siècle, arachnéenne et noire,
On trouve un vieux flacon jauni qui se souvient, 
D'où jaillit toute vive une âme qui revient. 
Mille pensers dormaient, — chrysalides funèbres, 
Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres, 
—Qui dégagent leur aile et prennent leur essor, 
Teintés d'azur, — glacés de rose, — lamés d'or.
Voilà le souvenir enivrant qui voltige 
Dans l'air troublé ; — les yeux se ferment ; le vertige 
Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains 
Vers un gouffre où l'air est plein de parfums humains.
Il la terrasse au bord d'un gouffre séculaire,
Où, — Lazare odorant déchirant son suaire -, 
Se meut dans son réveil le cadavre spectral
 D'un vieil amour ranci, charmant et sépulcral.
Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire 
Des hommes, — dans le coin d'une sinistre armoire 
Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé,
Je serai ton cercueil, aimable pestilence !
Le témoin de ta force et de ta virulence,
Cher poison préparé par les anges ! liqueur 
 Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon cœur !
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