11 février 2024

Nightcharm **

Une douce lumière de fin d'été baignait les quais du vieux port d'Oslo et les terrasses des cafés bondées en cet fin d'après-midi. Les norvégiens qui commencent tôt le matin et finissent tôt l'après midi profitaient pleinement des dernières lueurs de la journée, déjà si courte et des dernières chaleurs estivales. Bientôt, la nuit, le froid couvriront tout. Les pulls, les manteaux, les écharpes couvriront ces corps aujourd'hui encore livrés aux lueurs vespérales et à la douceur de vivre
En mission depuis une semaine déjà, c'était ma promenade favorite. Faut dire qu'il n'y a pas grand chose d'autre à faire à Oslo, à 17h quand on quitte le bureau. Faire les bars ou rester à l'hôtel.
Ce soir là, comme tous les autres soirs depuis mon arrivée, tu était de nouveau là. Assis à la même place, au coin de ce fast food qui propose ses harengs à la crème; à même le sol. Tu fais la manche sans regarder personne, sans un mot, comme immobile, comme statufié. 

Ta jeunesse me trouble. Ton visage impassible, tes longs cheveux bruns, me troublent. Vais-je ce soir oser m'approcher de toi, te proposer mon aide? Moi qui dors tous les soirs dans un bel et grand hôtel, moi qui dîne tous les soirs sur note de frais?
Non, ce soir encore, je n'oserais pas, je me dirais – demain, demain s'il est encore là oui, je l'aborderai -
- auriez-vous une cigarette? - je sursaute; tout bascule. D'un doigt, d'un geste délicat, tu as écarté tes cheveux de ton visage, tes yeux se sont tournés vers moi : - auriez-vous une cigarette? -
bien sûr tu ne pouvais pas ne pas remarquer mon émoi, mon trouble. J' étais scotché, liquéfié, bêtement incrédule. D'un sourire, moqueur, sans me quitter des yeux, tu as alors sorti deux cigarettes de ta poche – peut être puis-je vous en proposer une-
bien sûr j'ai ri. Je me suis approché de toi, assis près de toi. Derrière cette barbe , derrière ces longs cheveux se cachait une face d'ange, un enjôleur, un charmeur. - avais-tu faim, soif? Comment pouvais-je t'aider? -
-Je suis seul ici à Oslo, veux-tu que l'on mange ensemble? -
tu as, sans hésiter, accepté. Nous n'avons pas fait grand chemin, il nous a suffi d'aller dans le restaurant le plus proche. Une table en terrasse couverte, vue sur la promenade.
Nous avons parlé. Plutôt, je t'ai questionné, inlassablement, te laissant à peine le temps de dîner. Je voulais tout savoir de toi. Ton âge, 19 ans, d'où tu viens , pourquoi la rue? Pourquoi ce pays qui n'étais pas le tien.
Tu m'as parlé de ta mère malade, de ton père pasteur. De cette nuit de Saint jean, de cette fille , de ses joues rosies par la chaleur du feu, de l'alcool, de ses yeux illuminés par le désir, tu m'as décrit sans pudeur cette première fois; et puis le cauchemar, cette grossesse non voulue, la honte, les coups, la violence du père, Les larmes de ta mère. Le départ en pleine nuit..
Puis, la route, les granges, les petits boulots. La ville aussi, les recoins pour dormir, les foyers, le bonheur d'une douche chaude, la violence de la rue. Le froid, le froid de ces villes du nord, le froid des recoins du port d'Oslo. Que feras-tu cet hiver?
Les serveurs rangeaient les chaises, nous étions bien mais il fallait partir. J'ai insisté – viens avec moi; au moins cette nuit, partageons ma chambre d'hôtel deux grands lits. Une bonne douche, un rasoir; viens. -
j'étais dingue, je ne savais plus ce que je faisais. Était-ce par compassion, vraiment pour t'aider? Ou étais-je guidé par mon trouble, par ton charme?
Trop tard de toutes manière, sans une seconde d'hésitation tu as dit ok; pas merci, non juste ok!
La porte de la chambre à peine refermée, tout a soudain basculé. Tout semblait d'un coup trop petit, trop exigu. Sombre aussi. Comme un viol de notre espace vital respectif. Moment animal. Ton baluchon à peine jeté dans un coin de la pièce, tu t'es recroquevillé sur un des fauteuils. Le plus loin possible de moi. Le silence; la gêne. La méfiance aussi. Nous avions rompu la magie de la soirée. Ma concupiscence, motivation supposée de ta présence ici, nous sautait aux yeux. Nous restions là comme chiens de faïence, ne sachant pas quoi faire -rester ou partir; parler ou se taire- moi couché sur le lit le plus proche de la porte, lui sur le fauteuil près de la fenêtre!


J'allais te parler, te rassurer -non, tu n'es pas là pour ta belle gueule, oui je voulais vraiment t'aider, tu devais me croire -. Ce ne fut pas nécessaire, d'un coup, tu t'es déplié et sans un regard tu as dit 

– je vais prendre une douche-

un moment de répit! Que faire, que dire?! J'étais dans mon hôtel, dans ma chambre et j'étais prêt à profiter de ton absence pour fuir!
Tu avais laissé la porte de la salle de bain ouverte, sans façon, comme pour exorciser le malaise du moment. Je réalisais que tout entiers envahis par le trouble dès notre entrée dans la pièce, nous n'avions même pas pris le temps d'allumer la lumière de la chambre. Celle-ci était restée dans la pénombre à peine éclairée par les lumières de la ville. L'éclairage de la salle de bains l'inondait maintenant d'un violent et étroit trait de lumière. Je te regardais te dévêtir, j'aurais voulu ne pas le faire, occuper enfin l'espace, allumer la télé, sortir une bière du mini bar : agir normalement quoi! Mais je ne le pouvais pas. Oui, j'accédais ainsi à ta volonté: assumer l'ambivalence de cette soirée, de mon désir, de ma volonté sincère de t'aider. Comment cela allait-il finir, je ne le savais pas. J'aperçus brièvement ton corps nu; de belles fesses charnues, de longues jambes très poilues, une cambrure élégante. Je laissais juste ma main caresser ma verge au fond de mon pantalon. J'avais honte, je culpabilisais de l'attirance irrésistible que j'éprouvais, de l'impression de profiter de ta faiblesse.
Étais-je sincère dans ma démarche? Qu'est-ce qui me guidait? Il est certain que dès le premier jour, j'ai eu envie d'aller vers toi, te découvrir. Touché par ta grâce. Un coup de foudre?



Et puis la violence; Tu apparu soudain dans l'embrasure de la porte. Nu, les cheveux mouillés tout autour de ton visage débarrassé de ses poils: éblouissant.
Ton caleçon à la main, tes couilles et ta queue dans l'autre 
– c'est ça que tu veux?! C'est pour ça que je suis là?! Que tu m'a écouté toute la soirée! Il faut que je paye maintenant?! Tu hurlais, rouge de colère, tu t'es approché du lit, tu es monté sur moi, assis sur mon torse m'empêchant tout mouvement, tu m'as forcé à poser ma main sur ta queue. - je te demandais, te priais d'arrêter, de te calmer; tu m'as giflé, une fois, deux fois. J'avais les larmes aux yeux, je pleurais. Un instant, un court instant, le silence. Puis, enfin, la douleur. Tu t'es écroulé, les larmes sont venues. Toute la souffrance, toute la solitude accumulée depuis trop longtemps, tout est sorti. Tu t'es écroulé sur moi.

 Je t'ai pris dans mes bras, je t'ai serré très fort. Les larmes coulaient sur ma poitrine. Longtemps nous sommes restés ainsi serrés l'un contre l'autre. En silence, dans le trait de lumière de la salle de bains. Et puis, ta respiration s'est apaisée, tu t'étais endormi. Alors doucement, très doucement je me suis extirpé. J'ai éteint la lumière, rapidement dévêtu et je me suis glissé de nouveau près de toi, je t'ai repris dans mes bras et je me suis raconté, livré. - mon attirance pour toi depuis le premier jour, le besoin de te parler, ta grâce. Oui, aussi le désir de toi il y à peu, ma culpabilité aussi.
Un coup de foudre. Peut être. Tu as levé la tête, rivé le bleu de tes yeux dans les miens
 -

pardon! - 
un baiser, tes lèvres se sont posées sur les miennes, nos cheveux se sont un instant mêles, un baiser

 – merci!- ta tête maintenant reposait sur ma poitrine, je sentais ta queue durcir contre ma cuisse. Je bandais aussi. Sans honte aucune maintenant. Nous étions bien.
Nous nous sommes caressés lentement,  tendrement,  longuement.  Puis tu as pris ma queue en mains et  j'ai fait de même et nous nous sommes branlés conjointement,  les yeux dans les yeux. Tu as jouis le premier, couvrant ma main de ta semence et je t'ai suivi de peu dans l'extase,  mêlant mon sperme au tien. 
Je t'ai écouté dormir tout le reste de la nuit. J'ai laissé les premières lueurs du jour nous caresser. Il me fallait partir, reprendre le cours normal de mon existence.
Nous nous sommes quittés devant l'hôtel
 – ce soir? Peut être? On se verra – ces questions n'appelaient pas de réponse.
Le soir venu, ma promenade habituelle. À ta place habituelle: rien ni personne. Je cherchai vainement quelque chose de toi; quelque chose juste pour ma mémoire.
Un dernier rayon de soleil éclairait les planches de la promenade. Je me suis assis, occupant ton espace. Tournons cette page.





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